Souvent méconnue, mais parfaitement réelle, la violence verbale ou psychologique n’est pas toujours facile à identifier en entreprise. Nuisant considérablement à la santé des victimes et aux relations professionnelles, le harcèlement moral est aujourd’hui au cœur des préoccupations organisationnelles. Alors, comment lutter contre la maltraitance verbale au travail ?
Comment se caractérise la violence verbale ?
Selon un rapport publié en juin 2014, près d’un salarié sur deux serait victime de violence verbale sur son lieu de travail. En constante augmentation depuis, elle concerne la plupart du temps les relations entre collègues de travail, mais aussi avec des personnes extérieures (clients, administrations, services publics). Alors, sous quelles formes se caractérise cette maltraitance verbale ?
La violence verbale peut s’exprimer de différentes manières :
- cris de colère
- ton agressif, insultes
- injonctions autoritaires
- interruptions incessantes d’une personne
- propos méprisants ou vexants
- critiques récurrentes et infondées
- chantages ou menaces
- plaisanteries ou insinuations à connotation raciste
Sachez cependant que certaines violences verbales peuvent constituer des infractions punies par la loi. Dans le cas d’agressions répétées, il convient également aux juges d’apprécier le préjudice comme un acte de harcèlement moral, considéré comme un délit.
La violence verbale dans un cadre professionnel
S’inscrivant dans la liste des risques psychosociaux, la violence verbale au travail est mentionnée dans un accord relatif au harcèlement et à la violence au travail, datant du 26 mars 2010. Elle n’est donc à l’ordre du jour toujours pas définie juridiquement, mais reste tout de même punie par la loi dans un cadre pénal plus large.
Question : êtes-vous en mesure de déceler aujourd’hui des cas de violence verbale dans votre entreprise ?
Effectivement, avant de vouloir se protéger de la maltraitance verbale, encore faut-il savoir identifier les situations anormales entre collègues, clients ou subordonnés hiérarchiques. C’est d’ailleurs toute la difficulté de la chose : comment se reconnaître victime si l’on n’a pas conscience de souffrir d’une violence physique et verbale ?
Les 9 possibilités de comportement spontané face à une agression verbale
Selon le philosophe et théologien Franz Rosenzweig, nos défenses adaptatives face à une agression verbale peuvent se traduire de différentes manières.
Les réactions personnelles peu efficaces pour désamorcer une agression verbale
- L’attaque : la victime cherche à riposter par une contre-agression, sous l’impulsivité.
- L’intimidation : la victime cherche à prendre le dessus de la situation en adoptant une attitude dominante.
- L’évitement : la victime cherche tout simplement à fuir le conflit.
Les réactions personnelles susceptibles de désamorcer une situation conflictuelle
- La soumission : la victime donne raison à son agresseur, dans une tentative d’apaisement, mais en relevant uniquement les propos justes.
- La justification : la victime cherche à désamorcer la situation en tentant de se justifier.
- La séduction : la victime adopte une attitude positive (sourire, voix apaisante).
Les autres réactions de simulation (mensonge), de blocage (incapacité à réagir) et de rétraction vont seulement figer la situation pendant un court moment.
Comment réagir en cas d’agression verbale ?
Avec un collègue de travail
Le Code du travail encadre strictement les infractions comportementales qui ont lieu sur le lieu de travail, en obligeant aujourd’hui l’employeur à veiller à la santé physique et mentale de ses employés. La prévention et les sanctions pour éviter ces risques psychosociaux doivent donc être mises en place dans chaque entreprise. Pouvant être tenu pour responsable, l’employeur doit ainsi porter à connaissance des salariés les peines encourues en cas d’agression verbale.
Si vous êtes victime
Prévenez tout de suite votre supérieur hiérarchique. En cas de faits constatés, l’agresseur peut être sanctionné par un avertissement ou une mise à pied (si le harcèlement moral est reconnu).
Si vous êtes témoin
Selon le Code du travail, chaque salarié doit veiller à sa protection et à celle de ses collègues de travail. Vous devez donc faire remonter à la direction tout type d’incivilité à l’égard d’un collaborateur.
Avec un supérieur hiérarchique
Dans le cas d’un conflit avec un supérieur hiérarchique, contactez les ressources humaines ou le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Dans le cas d’une TPE ou PME, envisagez une résolution amiable du litige avec envoi d’une mise en demeure accompagnée d’une déclaration au greffe. En l’absence d’un retour favorable, n’hésitez pas à saisir le Conseil des prud’hommes.
Avec un public extérieur
Souvent plus violentes et nombreuses, les incivilités externes sont souvent du fait de la clientèle. C’est pourquoi l’employeur a pour obligation de mentionner les conséquences liées à l’activité dans le document d’évaluation des risques. Sans oublier bien entendu les mesures prises en cas de conflit. Dans le cas d’une violence verbale avec un client, la meilleure attitude reste la politesse, pour éviter toute confrontation. C’est pourquoi certaines entreprises peuvent mettre en place une formation spécifique dans la gestion des incidents, pour les salariés en contact avec les usagers.
Les obligations de l’employeur
En termes de prévention des risques psychosociaux, l’entreprise doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés. Ainsi, il doit pouvoir répondre à des situations d’urgence en intervenant rapidement et en mettant en place des mesures préventives adaptées.
Comment peut intervenir l’employeur ?
- Prendre en compte la souffrance des salariés en étant à l’écoute des victimes
- Tenter de comprendre la situation et de trouver des éléments qui justifient la situation
- S’entretenir avec les personnes concernées
- Se faire entourer de personnes compétentes (médecin du travail, ressources humaines, association)
- Menacer l’agresseur de sanctions en usant de son pouvoir hiérarchique
- Déterminer si la situation conflictuelle ne prend pas racine dans un dysfonctionnement au sein même de l’entreprise
- Faire cesser les violences (au vu de son obligation de sécurité des salariés)
Les sanctions envisageables
Tout comportement agressif ou violent au sein d’une entreprise doit aboutir à une sanction disciplinaire, que ce soit un avertissement, une suspension temporaire ou un licenciement. L’employeur doit cependant tenir compte de la gravité du comportement en cause et du contexte dans lequel il a eu lieu. Cependant, il existe des cas où la sanction est impossible, notamment lorsque la cause de l’agression est justifiée par l’état de santé du fautif.
Pour les salariés protégés
Tout représentant du personnel (élus, syndicaux, etc.) bénéficie d’une procédure spéciale de licenciement. Dans ce cas présent, l’employeur doit soumettre le projet au comité d’entreprise (pour les PME de plus de 50 salariés), et obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail.
En conclusion, comment réagir face à une agression verbale ?
La réaction face à une violence physique ou verbale doit être quasi immédiate, en essayant de désamorcer la violence de votre interlocuteur.
- Parlez toujours à la première personne, et expliquez-lui votre ressenti par rapport à la situation.
- Si le conflit dégénère ou si la violence verbale se répète, informez votre employeur en faisant valoir son devoir de protection.
- Si c’est votre employeur qui fait preuve de violence verbale, saisissez les représentants du personnel ou le CHSCT. Vous pouvez également faire intervenir la médecine du travail ou avertir l’inspection du travail.
- En cas d’agression par une personne extérieure, faites remonter l’information à votre employeur qui devra prendre les mesures nécessaires. Vous pouvez également porter l’affaire au pénal.
- Saisissez le Conseil des prud’hommes, ou déposez une plainte à la gendarmerie ou dans un commissariat de police.