Vous l’avez sans doute vous-même remarqué : le monde du travail ne cesse de changer ces dernières années. Et si le gouvernement ancre tellement de directives sur la santé dans le Code du travail, ce n’est pas pour rien. En effet, les fortes contraintes managériales et organisationnelles troublent de plus en plus les travailleurs. Ce qui mène à une souffrance au travail presque devenue habituelle parmi les salariés, qui n’épargne aucun secteur.
Alors, comment repérer et lutter contre les situations de souffrance au travail ?
1. Repérer les causes de souffrance au travail
Tout d’abord, sachez que la prévention de la souffrance au travail est une obligation qui incombe à l’employeur. Garant de la santé mentale et physique de ses employés, c’est sur lui que pèse la décision de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la sécurité des travailleurs. Tout facteur de risques qui conduit à de la souffrance au travail peut être porté à sa charge !
L’organisation du temps de travail
Travail et souffrance sont souvent liés par des contraintes horaires exorbitantes, des objectifs irréalisables ou imprécis, une polyvalence sur plusieurs postes de travail, des plages horaires épuisantes, le travail en équipes alternantes (travail posté), etc.
La perte de valeurs
Ici, le salarié se sent en décalage avec l’entreprise et a l’impression d’accomplir une tâche qui ne lui ressemble pas, ou qu’il juge inutile. Les valeurs professionnelles, sociales ou personnelles du travailleur sont mises en doute et le font s’interroger sur sa présence dans l’entreprise : vendre des assurances hors de prix à des personnes faibles psychologiquement, assurer la promotion d’un produit que l’on sait inutile, etc.
Les rapports sociaux
Le management ou les relations avec les collègues sont mis en cause dans ce facteur de risque, et mettent en lumière le manque de reconnaissance au regard des efforts accomplis, le favoritisme à l’égard d’autres collègues, les procédures d’évaluation au travail, ou encore l’équilibre dans la distribution des avantages (primes en nature, etc.). A contrario, le manque de dialogue social favorise d’ailleurs la souffrance.
Le manque de responsabilités
Un salarié qui manque d’autonomie, et n’a pas la possibilité de prendre des décisions sur son lieu d’activité, est exposé à un risque de souffrance au travail.
Le sentiment d’insécurité
Face à un contexte socio-économique de plus en plus incertain, le salarié a peur de perdre son emploi ou son niveau de salaire. Le contrat de travail précaire, très sollicité par les entreprises, ou encore les restructurations, est autant d’incertitudes sur l’avenir professionnel qui placent le travailleur face à un risque de souffrance au travail.
Les conflits émotionnels
Un métier qui impose de toujours être serviable et souriant (restauration), qui confronte avec la détresse humaine (Samu, CCAS) ou qui impose des tensions avec le public (police, gendarmerie), oblige forcément de cacher ses véritables émotions. De manière générale, on distingue un facteur de risque toxique quand il s’inscrit dans la durée, est incompatible (investissement humain élevé pour des résultats faibles par exemple), et se combine avec d’autres causes.
Les conséquences de la souffrance au travail ?
On ne va pas vous mentir : les conséquences directes de la souffrance au travail impactent la santé du travailleur. En fonction de l’intensité de la situation, de la durée d’exposition ou encore du caractère de la personne concernée, les risques psychosociaux peuvent conduire à une dégradation de la santé physique et mentale :
- TMS – Troubles musculo-squelettiques ;
- Maladies cardiovasculaires ;
- Dépression, état anxieux ;
- Maladies chroniques, etc.
Mais l’entreprise elle-même peut être touchée par les conséquences de la souffrance au travail : taux d’absentéisme et turn-over élevés, retards intempestifs, problèmes de discipline, productivité ralentie, climat social tendu, etc.
Souffrance au travail : qui peut vous aider ?
Le médecin du travail
On ne pense pas toujours à le consulter, mais le médecin du travail n’est pas uniquement là pour vous faire passer l’examen d’embauche ou pour les visites périodiques. À même de déclarer le travailleur inapte ou dénoncer un accident du travail, il peut prescrire du repos, une prise médicamenteuse et rédiger un certificat médical. C’est aussi une formidable oreille à l’écoute de ses patients, qui joue un peu le rôle de psychologue du travail.
Son rôle et ses droits peuvent s’étendre au regard de la protection des salariés :
- Alerter l’employeur sur une situation présentant un risque collectif ;
- Apporter des réponses et des solutions face à une situation de souffrance au travail ;
- Consulter le document unique d’évaluation des risques ;
- Conseiller sur la démarche de prévention des risques, etc.
Les institutions représentatives du personnel
Le comité social et économique (CSE) peut agir pour lutter contre les situations de souffrance au travail. En constatant un taux d’absentéisme important, une perte de motivation, des retards multipliés ou des conflits sociaux à répétition, les membres du CSE doivent informer l’employeur. Ils peuvent ensuite orienter le travailleur vers un professionnel de santé (médecin du travail, psychologue du travail), l’Inspection du travail ou des organisations syndicales. Rappelons que le CSE hérite des anciennes missions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Pour y parvenir, les élus dès leur entrée en fonction disposent de formations en lien avec cette prérogative.
La situation du salarié doit par ailleurs “mettre la puce à l’oreille” du CSE, qui doit chercher à identifier les facteurs de cette souffrance.
De cette manière, le comité pourra rechercher des solutions pour éviter que les situations de souffrance ne se multiplient. Les élus jouent donc un rôle crucial dans la gestion de la souffrance au travail : ils peuvent obliger l’employeur à prendre position face aux risques psychosociaux. Ils ont de ce fait la possibilité de saisir l’inspecteur du travail, qui pourra alors mener une enquête interne sur les conditions de travail.
Comment lutter contre la souffrance au travail ?
Lutter contre la souffrance au travail, c’est prévenir en amont les risques psychosociaux. Et pour cela, l’État impose à chaque entreprise une EvRP (évaluation des risques professionnels), consignée dans un document unique. Cette dernière doit être menée par l’employeur de façon rigoureuse, et mobiliser les acteurs concernés (salariés, partenaires sociaux, instances représentatives du personnel). D’ailleurs, le CSE devra être consulté tout au long de la démarche de prévention. Cette analyse permettra donc de définir un plan d’action efficace, en identifiant les facteurs de risques et en proposant des solutions définies avec les partenaires sociaux. La mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUERP) est de même obligatoire. Sa consultation est possible par tous les salariés et les représentants du personnel.
À savoir
L’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) propose une aide financière pour toute entreprise de moins de 300 salariés.
La souffrance au travail nous enseigne la précaution
Tout facteur de risques professionnels incombe à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires. La protection des salariés est à sa seule charge. Il peut voir sa responsabilité engagée en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail. La souffrance au travail s’évite grâce à une évaluation efficace des RPS. Les partenaires sociaux peuvent bâtir un plan d’action minutieux à cette fin. Cependant, l’implication de tous les acteurs est indispensable pour construire une prévention durable et pérenne. Le CSE et le médecin du travail peuvent vous accompagner dans la gestion de la souffrance au travail.
En tant que salarié, vous avez également votre rôle à jouer. Justement, quels sont les devoirs du travailleur en entreprise ?