#BalanceTonPorc, #MeToo… Le harcèlement sexuel au travail devient de moins en moins tabou, et commence à faire les choux gras de la presse française. Mais si ce genre d’agression sexuelle commence à trouver son public de lecteurs, c’est une tout autre histoire en entreprise. Dépourvues de soutien psychologique, les victimes sont souvent désemparées et “coincées”. En effet, 4 femmes sur 10 qui dénoncent des faits perdent souvent leur emploi (démission ou licenciement).
- Alors, que dit la loi sur le harcèlement sexuel au travail ?
Définition du harcèlement sexuel au travail
Réprimé par le Code du travail et le Code pénal, le harcèlement sexuel en entreprise peut toucher n’importe qui. Il peut émaner d’un salarié à l’égard d’un autre salarié. Un supérieur hiérarchique à l’encontre d’un autre collaborateur peut en être à l’auteur (et inversement). La loi stipule ce qu’il faut entendre par « harcèlement sexuel au travail ». Tout propos à caractère sexuel, comportement injurieux ou remarque déplacée, qui porte atteinte à la dignité de la personne, est considéré comme un acte de harcèlement sexuel.
Les faits reconnus comme du harcèlement sexuel peuvent être divers et variés :
- Proposer une promotion contre une faveur ou un rapport sexuel ;
- Adresser des messages (mails, courriers, SMS) à caractère sexuel ;
- Porter des appréciations répétées sur une partie du corps (faire des compliments sur la poitrine, par exemple) ;
- Insister pour obtenir des faveurs sexuelles ;
- Faire de nombreux cadeaux dans le but d’obtenir un attouchement sexuel ;
- Organiser un rendez-vous professionnel dans une chambre d’hôtel ;
- Présenter des vidéos pornographiques ;
- Toucher fréquemment les mains, les bras ou les cheveux ;
- Questionner sur la vie intime (pratiques sexuelles), etc.
Les cas de harcèlement sexuel sont nombreux
Il appartient à la justice d’apprécier le caractère sexuel ou non de l’acte. Attention, beaucoup de faits peuvent laisser croire à du harcèlement sexuel. Certains actes ne constituent pas en soi un délit réprimé par la loi :
– Avoir une attitude de séduction sans délicatesse ;
– Faire un compliment sur la tenue d’un(e) employé(e) ;
– Faire preuve d’un agissement sexiste.
Notez qu’on considère un acte comme un harcèlement sexuel dès lors qu’il y a répétition, ou qu’une forme de pression grave (même non répétée) s’exerce. Au travail, des faits d’agression sexuelle sont plus sévèrement punis par la loi (5 à 10 ans de prison). Par exemple, pincer les fesses d’une salariée ou forcer à subir un massage des pieds à plusieurs reprises est proscrit*.
*Le cas Georges Tron démontre la méconnaissance du harcèlement sexuel au travail. Les cas remontent à mai 2011, quand deux employées dénoncent plusieurs massages de pieds, sous couvert de réflexologie plantaire, dérapant parfois vers un attouchement sexuel.
Les sanctions en cas de harcèlement sexuel au travail
C’est très simple : tout cas de harcèlement sexuel reconnu sur le lieu de travail constitue une infraction grave, qui nécessite une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement de l’agresseur (peu importe l’ancienneté du salarié). Il est possible d’engager la responsabilité de l’auteur. Elle se punit sévèrement d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.
Faits aggravants
Sachez que ces condamnations peuvent être aggravées si la personne auteure de l’agression a fait usage de son autorité (un supérieur hiérarchique, par exemple), ou si la victime est considérée comme particulièrement vulnérable. Dans ce cas, les peines passent à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. De plus, l’agresseur peut se voir infliger des dommages-intérêts à verser à la victime (qui doit porter plainte au maximum dans les 6 ans après le dernier fait). Mais l’auteur de l’agression n’est pas la seule personne concernée : l’employeur peut tout autant être reconnu coupable, pour ne pas avoir empêché ou sanctionné l’acte de harcèlement sexuel au travail.
Réagir face au harcèlement sexuel
La première chose à faire, quand on est victime d’un fait de harcèlement sexuel, c’est de sortir du silence et de s’adresser directement à l’employeur (par écrit de préférence), ou au service des ressources humaines. Si l’employeur est l’auteur de ces actes, il convient de se tourner vers les représentants du personnel (membres du CSE (référent harcèlement sexuel du CSE) ou de la commission santé et sécurité et conditions de travail). La personne peut saisir le médecin du travail ou l’inspecteur du travail. Je vous conseille fortement de conserver toute preuve susceptible de justifier le fait de harcèlement sexuel au travail.
Il peut s’agir de :
- d’échanges de mails ;
- SMS reçus ;
- témoignages de collègues sous forme d’attestations sur l’honneur ;
- certificats médicaux ;
- ou encore de lettres manuscrites.
Cas du licenciement pour les victimes de harcèlement
En cas de licenciement, la victime peut saisir le conseil de prudhommes pour requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. De ce fait, le/la salarié(e) pourra bénéficier des indemnités de fin de contrat, ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement abusif et harcèlement. Sévèrement punis par la loi, les actes de harcèlement sexuel font l’objet d’une plainte devant le tribunal pour punir l’agresseur pénalement (en déposant plainte, dans une durée de prescription de 6 ans). À titre personnel, le/la salarié(e) peut également se tourner vers des associations (comme l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail – AVFT). À savoir : l’ensemble de ces actions peuvent être cumulées par la victime.
L’entreprise face à ses responsabilités
L’entreprise doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les actes de harcèlement sexuel. L’employeur sanctionne les cas de harcèlement (article L1153-5 du Code du travail). Il doit par ailleurs prendre des mesures préventives :
- Action de formation pour améliorer la connaissance et l’identification des faits de harcèlement sexuel ;
- Diffusion d’informations pour sensibiliser les salariés ;
- Action de prévention en partenariat avec la commission santé et sécurité et conditions de travail (CSSCT) ;
- Enquête préliminaire avec membres du comité social et économique (CSE) en cas de suspicion.
Toute entreprise de plus de 20 salariés stipule dans le règlement intérieur de l’établissement, les dispositions relatives au harcèlement sexuel au travail. En cas de manquement à l’une de ses obligations, la victime peut saisir le Conseil des prudhommes (ou le tribunal administratif, pour les fonctionnaires) pour engager la responsabilité de l’employeur, afin de recevoir une indemnisation pour dommages-intérêts. À savoir : l’employeur ne peut licencier un salarié qui rapporte un fait de harcèlement sexuel sous motif de diffamation. C’est à l’entreprise de mener un entretien avec la victime et de mener une enquête interne.
Vous êtes victime de harcèlement sur votre lieu de travail ?
Près d’une femme sur trois (32%) a déjà été confrontée à un acte de harcèlement sexuel, que ce soit sur le lieu de travail ou dans les endroits publics. Généralement verbales ou visuelles, ces atteintes à la dignité de la victime sont souvent minimisées, en raison de la méconnaissance de ce qui relève devant la loi d’un fait de harcèlement sexuel ou non. Même si ce sont surtout les femmes qui sont le plus souvent victimes, les hommes (1 cas sur 10) sont également touchés par le harcèlement à caractère sexuel.
La constitution d’un dossier est primordiale
- Conservez toutes les preuves qui justifient les faits (SMS, lettres, emails, certificats médicaux, etc.) ;
- Informez votre employeur par écrit ;
- Si l’employeur est l’auteur des agressions, contactez directement le conseil de prudhommes ;
- Portez plainte auprès du commissariat de police (durée de prescription de 6 ans).
Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à consulter un avocat en droit social qui peut être d’une aide précieuse.